Debout au bord de la piscine

 

Debout au bord de la piscine, elle martelait les carreaux du bout de ses talons aiguilles. Une fois que le sécrétaire et le domestique se sont retirés, elle s’est tournée vers moi et m’a dit :

– Regarde le ciel.

L’offensive démarre lentement, et de façon peu commune.

– Il est plein d’étoiles. Mais en fait, comme elles sont très éloignées les unes des autres, les étoiles sont solitaires, et un ciel plein d’étoiles, c’est un monde de faux-semblants, tu comprends ?

Je ne vois pas comment je comprendrais. Mais cela fait un effet certain. Et c’est d’autant plus bouleversant que c’est incompréhensible. Dans des moments comme ça, Moeko représente l’univers entier. Ce n’est pas qu’elle s’imagine représenter l’univers, non, elle le représente pour de vrai. La surface de l’eau de la piscine, le vent, les feuilles des cymbidiums tremblant dans le vent, les insectes qui bourdonnent au loin, la lune qu’on aperçoit entre les nuages, tout cela forme l’arrière-plan de sa présence, elle occupe le centre. Et moi, je retombe au bas de l’échelle de la création, existence délaissée à mille lieues de tout cela, misérable reptile ou insecte qui ignore tout de l’univers.

– Les durians, la pêche, tout ça, c’étaient des mensonges, n’est-ce-pas ?

Après m’avoir ainsi réduit à l’état d’insignifiante vermine, elle pointe concrètement chacun de mes mensonges. C’est sa méthode habituelle, mais je suis déjà une loque…

Ryû Murakami

Raffles Hotel

traduit du japonais par Corinne Atlan

Editions Philippe Picquier

A propos brigetoun

paumée et touche à tout
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