ça a duré dix ans…

Nous ne vous laisserons pas un instant de paix, tant que vous vacillerez. Ça a duré dix ans, ça vous a transformés, vous êtes plus retors encore aujourd’hui que vous étiez hargneux hier, et nous sommes vaincus, et nous avons plié, et nous ne cessons pas de chercher dans nos coeurs, le pli de nos cerveaux, les méandres de nos émotions, ce qui a fait l’échec, la part que nous y avons eue, nous sommes des hommes qui prennent leurs responsabilités morales. Uomini e no. Vous, hommes de ces Etats, petits et grands, de ces Eglises, de ces palais et de ces officines, décisionnaires et exécutants, pas un instant vous n’avez songé, en proclamant ouvertes ces belles saisons de bals, à ceux qui s’engouffrèrent joyeux entre les grandes portes des salons d’apparat où brillaient les orchestres pour en sortir en sang, démembrés et aveugles, criblés de bris du verre de la raison d’Etat, jamais vous n’avez éprouvé fût-ce l’ombre d’un regret, nécessité fait loi. Francesco Cossiga, cinquante ans au moment de l’affaire Moro, soixante-dix huit quand il raconte l’histoire, ministre de l’Intérieur et pilote de l’Etat italien, en tandem avec Andreotti, au long de cet enlèvement, de cette séquestration, de cet assassinat qui de toute évidence arrangea bien des gens, ose dire face caméra le souci terrible que lui a donné cette affaire, la perte de son ami l’onorevole Aldo Moro, exhiber les plaques blanches sur les mains et les bras comme preuve de cette peine extrême, infinie, indélébile inscrite à même son corps…

Mathieu Riboulet

Entre les deux il n’y a rien

Verdier

A propos brigetoun

paumée et touche à tout
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