Lorsque la chaleur fut un peu moindre, nous avons repris notre ascension le long de la piste, Muhammad Saddik et moi, jusqu’au premier névé, croisant en chemin une petite troupe de bouquetins, observant successivement une iranie à gorge blanche et quelques traquets oreillards, puis enfin, perché sur la crête d’un long affleurement rocheux, un oiseau qu’à ses joues noires, son dos beige, son sourcil blanc et son dos également blanc, mais distinctement teinté de roux à la base de la queue, celle-ci noire et blanche une fois déployée, nous avons reconnu sans risque d’erreur comme un spécimen de traquet kurde, le premier qu’il m’ait été donné de voir dans la nature.
Peu après, à la limite du grand névé que nous nous étions fixé pour but, et à une altitude estimée par Muhammad Saddik à 1 926 mètres, nous avons observé plus longuement, et de plus près, un autre mâle de la même espèce, qui comme le précédent voletait de rocher en rocher sur une pente encore partiellement enneigée et irrégulièrement plantée de buissons épineux à petites fleurs roses, que sans trop savoir j’identifiai comme une variété moyen-orientale d’églantier. La scène aurait été parfaite si la compagnie pétrolière qui avait frayé cette piste n’avait abandonné en se retirant quelques épaves, et en particulier, au niveau où nous nous trouvions, une batterie de trois chiottes montés sur pilotis, d’une blancheur lustrée de réfrigérateur ou de machine à laver, désormais privés d’eau mais encore utilisable pour l’un d’entre eux. De l’intérieur de celui-ci, qui comme les deux autres était privé de porte, on jouissait de la vue la plus belle, et la plus étendue, qu’il ait été donné à quiconque d’embrasser dans une telle situation.
Jean Rolin
Le Traquet kurde
P.O.L.
Écouté l’autre soir chez Laure Adler sur France Inter… 🙂
ah l’ai loupé.. devrais écouter France Inter – plein de choses tressées ensemble une fois encore dans ce livre