Douceur, lorsque les vents soulèvent la mer immense,
d’observer du rivage le dur effort d’autrui,
non que le tourment soit jamais un doux plaisir
mais il nous plaît de voir à quoi nous échappons.
Lors des grands combats de la guerre, il plaît aussi
de regarder sans risque les armées dans les plaines.
Mais rien n’est plus doux que d’habiter les hauts-lieux
fortifiés solidement par le savoir des sages,
temples de sérénité d’où l’on peut voir les autres
errer sans trêve en bas, cherchant le chemin de la vie,
rivalisant de talent, de gloire nobiliaire,
s’efforçant nuit et jour par un labeur intense
d’atteindre à l’opulence, au faîte du pouvoir.
Pitoyables esprits, coeurs aveugles des hommes !
Dans quelles ténèbres mortelles, quels dangers
passe leur peu de vie !
Lucrèce
traduction J. Kany-Turpin
De la nature des choses – II 1 16
repris dans le dossier en annexe de la
Lettre à Ménécée d’Epicure
Garnier-Flammarion