Le visage de l’enfant ne rêve pas, il attend. C’est une présence interminable. C’est une ritournelle. Tu es au milieu d’elle. Impossible de t’en débarrasser. Un murmure continu, ta mémoire, celle d’un abandon, et celle d’une enfance auxeroise. Tu te souviens, la nuit, parfois, tes pas nus résonnaient dans le bar où tu vivais enfant. Comme une promenade. Tu écoutais le ronflement des réfrigérateurs, les bruits de tuyauterie et le silence dehors. Le silence de la ville. Une rue serrée comme un souvenir moyenâgeux entre les places de la Cathédrale et celle du Marché. Elles servaient de parkings. Le trottoir était parfois si fin qu’il disparaissait dans les maisons. La rue Fournier était une jonction. Le bar était à l’angle de cette rue et de celle qui descendait vers l’Yonne, la rue Joubert. Longtemps tu as dormi à cet angle, suivant les virages des voitures. Il y eut ce soir de fête où l’AJA était montée en première division. La ville avait hurlé une partie de la nuit sous ses fenêtres. La cuisine, qui servait de salle de bain, donnait directement sur le bar. Une porte battante seulement séparait les pièces. La nuit, quand ils dormaient loin de l’autre côté, tu allais dans le bar. Une errance, une confrontation avec la peur. La peur du noir, les bruits. Tu allais au milieu du café, tu t’asseyais sur une banquette en moleskine orange et tu écoutais son bruit nocturne.
Sébastien Rongier
78
Fayard
Belle écriture limpide comme un geste comme une respiration Merci Je découvre
ru aurais pu rencontrer l’auteur à Toulon