Le bureau du psychiatre est vaste et accueillant. Notre conversation traverse les idées sur la folie, le théâtre, la littérature. Je raconte quelques moments d’ateliers d’écriture ici, il raconte cette période de représentations de théâtre pour les malades. J’aimerais écrire nombre de ses phrases. J’en retiens une : Les patients quittent le dictionnaire. Souvent en atelier de lecture et d’écriture je dis : le langage est dans le dictionnaire et dans les livres, il ne flotte pas en l’air. Les malades font n’importe quoi des mots, du moins ils en font autre chose que ce qu’ils sont censés donner : un signifiant sur un signifié. En atelier, je demande des comptes aux textes, je cherche la polysémie, je trace les limites, lointaines et parfois floues, finalement précises.
Être fou ce serait ne vouloir (pouvoir) choisir qu’entre le désastre et le triomphe impossible, me dit le psychiatre. En atelier, je dis : le désir du texte parfait empêche d’écrire.
Qu’est-ce que la mémoire me restitue ? Est-ce bien la phrase que le psychiatre m’a dite ? Comment est-ce que je transforme ce que j’entends ? Les phrases sont des oracles, elles agissent comme le ferait une caresse ou un couteau.
Cathie Barreau
«Refuge sacré»
Les patients quittent le dictionnaire pour la création improvisée et libre d’entraves linguistiques et grammaticales. Ce n’est plus affaire de style mais affaire de vie.
Les mots passent par le filtre de notre vécu … pas besoin d’être fou !!( pense à Sarraute « Pour un oui pour un non » )